Bienvenue dans les années 1980, une décennie débridée où
tout semble aller plus vite. L'automobile s'y illustre par une quête
effrénée de performance : des voitures toujours plus puissantes, des
batailles légendaires en Formule 1, les camions DAF survitaminés au Dakar, les
ascensions folles de Pikes Peak avec Ari Vatanen, sans oublier l'apogée des
mythiques Groupe B en rallye.
Dans cette époque bouillonnante, les amateurs de véhicules
de luxe avaient devant eux deux visions diamétralement opposées, mais
partageant un objectif commun : offrir exclusivité et prestige à leurs
occupants. D’un côté, la Mercedes 560 SEC, incarnation du raffinement
allemand. De l’autre, le Range Rover Vogue, pionnier du luxe
tout-terrain.
Installez-vous confortablement et replongez dans cette
période faste, où le luxe et la démesure se rencontraient sur quatre roues.
Pionnier de l’industrie automobile, Daimler, et par
extension Mercedes, s’est rapidement forgé une image d’excellence avec des
voitures luxueuses, performantes et robustes. Au début des années 1970,
cette réputation s’enrichit avec l’apparition d’une lignée mythique : la Sonderklasse
– littéralement “ classe spéciale ” – qui deviendra plus tard la Classe S.
Cette grande berline statutaire rencontre un succès mondial,
affrontant des climats aussi variés que difficiles tout en maintenant son
standing et sa qualité irréprochable. En septembre 1979, la deuxième
génération, dénommée W126, est dévoilée à l’IAA. Fruit du talent de Bruno
Sacco, le célèbre designer maison (en poste de 1975 à 1999), cette version
gagne encore en raffinement et impose une allure encore plus majestueuse,
marquant une étape importante dans l’histoire de la marque.
Contrairement à la première génération, qui n’avait pas de
déclinaison coupé, les dirigeants de Mercedes décident d’écouter une clientèle
avide d’un grand coupé GT de luxe. La Mercedes SLC, qui comblait ce
segment jusque-là, n’a jamais réellement convaincu, sa ligne atypique et son
habitabilité réduite limitant son succès.
En 1981, le coupé C126 fait son apparition et gomme tous les
défauts de la SLC. Cette nouvelle Sonderklasse Einspritzung Coupé
(SEC) impressionne par sa grâce et son équilibre presque parfait. Reposant
sur un empattement réduit de 10 cm, tout en étant plus basse et plus large que
la berline W126, la Mercedes SEC est un chef-d’œuvre de Bruno Sacco. Il
parvient à atténuer sa longueur imposante (4,93 m) grâce à un design aérien,
sublimé par des vitres sans encadrement et une lunette arrière fuyante typique
de l’époque. On retrouve également la signature de Sacco dans l’utilisation
d’accastillage plastique ceinturant le bas de la caisse, renforçant l’élégance
et la stature de l’ensemble.
Comme le dira Bruno Sacco lui-même en 2019 : “ La C126
a le plus beau visage de toutes les Mercedes dont j’ai été responsable. ”
Pour l’époque, le coupé bénéficie d’un travail poussé sur
l’aérodynamisme, visant à améliorer les performances tout en réduisant les
bruits d’air. Quelques éléments témoignent de cette avancée : Un capot
dissimulant les essuie-glaces, des rétroviseurs au design caréné, des vitres
affleurantes, une calandre large et agressive, des poignées de porte
encastrées, des feux striés anti-salissures.
Le tout permet d’obtenir un Cx de 0,34, une prouesse pour
l’époque. Une performance qui restera difficile à égaler pour l’autre modèle
luxueux présenté dans cet essai comparatif.
Évoquer Land Rover, c’est parler d’un autre pionnier,
celui des véhicules tout-terrain en Europe, qui a su offrir à de
nombreux professionnels un outil robuste et pratique. Sentant poindre un
nouveau marché en observant le succès du Jeep Wagoneer de l’autre côté de
l’Atlantique, la marque commence dès les années 1960 à imaginer un 4x4
polyvalent et raffiné.
À la tête de ce projet révolutionnaire se trouve Charles
Spencer King, un ingénieur emblématique ayant marqué l’histoire de
l’automobile britannique avec ses nombreuses créations.
Le 17 juin 1970 devient une date historique avec la présentation
du Range Rover, un véhicule qui combine les capacités de franchissement
d’un 4x4 classique avec un habitacle plus soigné et des performances routières
inédites.
Avec sa silhouette unique de break surélevé à trois portes, le
Range Rover se distingue autant par son allure que par sa conception innovante.
Il repose sur une structure en acier associée à un châssis robuste, sur lequel
est greffée une carrosserie en aluminium, à la fois légère et élégante. Pour
améliorer le confort et le raffinement, les ingénieurs abandonnent les
traditionnels ressorts à lames au profit de ressorts hélicoïdaux, intègrent des
freins à disque sur les quatre roues et ajoutent un correcteur d’assiette à
l’arrière.
À l’intérieur, on découvre des équipements jusque-là absents
des véhicules utilitaires : de la moquette, une véritable planche de bord et
quatre places offrant un confort inattendu pour l’époque. Ce raffinement, bien
que sobre à nos yeux modernes, était une révolution à l’époque, faisant du Range
Rover une référence en matière de luxe tout-terrain.
Malgré cette montée en gamme, le Range Rover conserve ses
capacités impressionnantes en tout-terrain : une garde au sol généreuse
permettant d’excellents angles d’attaque, des ponts rigides, une boîte courte
et un différentiel verrouillable.
Une nouvelle catégorie automobile venait de naître, un
segment qui évoluera au fil des décennies pour atteindre des sommets toujours
plus élevés en matière de sophistication et de performance.
Quoi de plus noble qu’un V8 pour symboliser le luxe ?
Certes, les V12 de certaines Jaguar et Ferrari offrent leur part d’exclusivité,
mais ils restent plus exigeants et éloignés de l’image que ces deux icônes
cherchent à incarner : le summum de la gamme associé à une robustesse affirmée.
Chez Mercedes, la SEC, figure de proue du constructeur à
l’étoile, n’a été proposée qu’avec des motorisations V8, déclinées en plusieurs
versions. La gamme évolue en 1986 avec l’apparition d’un moteur V8 essence à
injection sophistiqué, doté d’un contrôle électronique avancé de l’allumage
et de l’injection. Ce moteur, le M117, voit sa cylindrée portée à 5547
cm³.
La 560 SEC devient alors l’incarnation ultime du grand
tourisme chez Mercedes, avec une puissance de 300 ch et un couple de 455 Nm.
Ces chiffres permettent à ce grand coupé de franchir les 100 km/h en seulement
7,2 secondes et d’atteindre une vitesse de pointe flirtant avec les 250 km/h
sur les Autobahn.
Côté anglais, le Range Rover démarre également sa
carrière avec un V8 essence, une motorisation qui restera au cœur de
l’offre, évoluant au fil des ans. Le modèle connaît deux importants restylages,
en 1980 et 1986. Entre-temps, en 1982, une version 4 portes voit le jour, mieux
adaptée aux aspirations de confort et de polyvalence de sa clientèle. Cette
déclinaison s’accompagne de nombreuses améliorations : suspension arrière
assouplie, banquette reculée, plafonnier temporisé, roue de secours dans une
housse moquettée, et de nouveaux espaces de rangement.
Notre modèle du jour, le Range Rover Vogue Classic, conserve
son style inimitable tout en proposant un habitacle modernisé et, surtout, un
V8 encore plus performant. En 1990, ce moteur tout aluminium à injection voit
sa cylindrée portée à 3,9 litres, développant 182 ch et un couple de
312 Nm.
Avec une vitesse de pointe de 180 km/h et un 0 à 100 km/h
réalisé en 12,7 secondes, le Range Rover évolue dans une autre catégorie que la
Mercedes. Ici, le moteur incarne non seulement la noblesse, mais aussi la
puissance nécessaire pour affronter les terrains difficiles et offrir des
performances convenables sur route, notamment lors des dépassements. On est
bien loin des moteurs agricoles des premiers véhicules tout-terrain.
Le luxe automobile se traduit aussi par des finitions
soignées et des équipements avant-gardistes. Sur ce point, la Mercedes
s’impose, fidèle à sa réputation d’excellence. L’intérieur, entièrement
revêtu de cuir bleu et agrémenté d’inserts en bois massif, enveloppe les
quatre passagers dans une ambiance de grand raffinement. Ces derniers profitent
d’un confort optimal et de nombreuses options, dont certaines ne sont toujours
pas disponibles de série sur des citadines modernes en 2024.
La liste impressionne et témoignait d’une avance
technologique à l’époque : rétroviseurs électriques et chauffants, vitres
électriques sans montant central, sièges électriques chauffants avec mémoire,
direction assistée à réglage électrique, appuie-têtes réglables, climatisation,
régulateur de vitesse, fermeture centralisée, rideau arrière électrique, toit
ouvrant électrique, antenne automatique, guide-ceinture motorisé, et le système
audio Mercedes Sound System avec radio stéréo pour les mélomanes. Ajoutez à
cela un ordinateur de bord richement équipé (température d’eau, pression
d’huile et compte-tours) qui en faisait un modèle d’avant-garde.
Pour pousser encore plus loin, l’ancien propriétaire a
équipé cette 560 SEC d’une caméra de recul et de radars de stationnement, des
fonctionnalités bien en avance sur leur temps.
Le luxe de cette Mercedes ne se limite pas à ce que l’on voit. Sous la carrosserie, tout a été pensé pour garantir une sécurité passive et active de premier ordre, fruit de décennies de recherche. Les occupants bénéficient déjà de quatre ceintures de sécurité avec prétensionneurs électroniques, et, fait rare pour l’époque, de deux airbags (conducteur et passager avant). La structure intègre une cellule centrale rigide avec des zones de déformation à l’avant et à l’arrière, tandis que le réservoir d’essence est judicieusement placé au-dessus de la suspension arrière, dans une zone protégée. Cette 560 SEC est véritablement à la hauteur de son nom : une “ classe supérieure ”.
Passer la porte du Range Rover Vogue, c’est voyager dans les
années 80 avec certitude. Sa configuration “ Cairngorm Brown ” associée à
une sellerie en tissu marron parsemée d’inserts en noyer américain crée une
ambiance authentique et chaleureuse. Bien sûr, le niveau de luxe n’est pas
celui d’un coupé GT, mais dans son segment, le Range Rover affiche une approche
similaire avec une liste d’options inédite pour un 4x4 et une attention
particulière portée à la sécurité passive et active.
Notre Range Rover Vogue ne bénéficie pas de toutes les
options du haut de gamme Vogue SE, mais sa finition intermédiaire reste richement
dotée : quatre vitres électriques, direction assistée, toit ouvrant
électrique, fermeture centralisée, rétroviseurs électriques chauffants,
régulateur de vitesse, et boîte automatique ZF à 4 rapports. Son
instrumentation complète inclut la température de l’eau, un compte-tours, un
compteur de vitesse et de nombreux témoins.
La position de conduite, rehaussée et optimisée, offre une
visibilité accrue grâce à la généreuse surface vitrée, augmentant ainsi la
sécurité. Les appuie-têtes, accoudoirs et ceintures de sécurité contribuent à
la sécurité passive, tandis que la présence de l’ABS marque un tournant
dans la sécurité active pour un tel véhicule.
C’est sur la route que le véritable luxe de ces deux icônes
se révèle. Prendre le volant de ces voitures en 2024, c’est mesurer le chemin
parcouru par l’industrie automobile tout en admirant l’avance technologique de
ces modèles en leur temps.
La Mercedes est une véritable prouesse d’ingénierie,
conçue pour exceller sur les longues distances. Ses performances, déjà
évoquées, parlent d’elles-mêmes. L’onctuosité de son V8 offre une sensation de
puissance infinie, tandis que les montées en régime sont à la fois fluides et
grisantes, accompagnées d’une sonorité moteur qui se libère progressivement. La
boîte automatique, parfaitement calibrée, se fait oublier dans une harmonie
mécanique impressionnante. À bord, le confort est royal, et l’insonorisation,
remarquable, rivalise encore aujourd’hui avec de nombreux modèles modernes.
Mais la Mercedes ne se contente pas de briller en ligne
droite. Son châssis a été finement étudié pour trouver un juste équilibre
entre confort et dynamisme. Grâce à un empattement réduit, un centre de
gravité abaissé et des voies élargies, elle surprend par son agilité dans les
courbes malgré ses dimensions imposantes. Les jantes de 15 pouces, associées à
une suspension à double triangulation avec ressorts hélicoïdaux et amortisseurs
hydrauliques, participent à cette aisance.
L’électronique, encore peu répandue à l’époque, joue ici un
rôle clé dans la sérénité offerte au volant, notamment avec des systèmes
avancés tels que le contrôle d’assiette et le contrôle de traction. Sur
route sèche, la propulsion est docile et prévisible. Les commandes sont d’une
précision exemplaire, avec une direction assistée légèrement ferme qui guide
efficacement le train avant.
Enfin, le freinage est parfaitement dimensionné pour
maîtriser les 1 750 kg à vide de la Mercedes. Avec un double circuit
hydraulique, quatre freins à disque et l’ABS, elle s’arrête avec
autorité tout en inspirant confiance au conducteur.
Pas étonnant que de nombreuses personnalités, y compris des pilotes de F1 comme Jacques Laffite, aient choisi la Mercedes 560 SEC pour se déplacer avec rapidité, sérénité et sécurité (lire Essai Mercedes 500 E, Jacques Laffite en a eu trois).
Le Range Rover, quant à lui, mise tout sur le
confort absolu avec ses sièges moelleux et ses suspensions souples. Ce
choix a cependant un revers : un comportement routier un peu flou, héritage de
ses origines utilitaires marqué par les doubles essieux rigides. Malgré tout,
les ingénieurs ont apporté des améliorations notables pour renforcer son
dynamisme, notamment grâce à l’ajout de barres antiroulis à l’avant et à
l’arrière, ainsi qu’à une réduction des masses non suspendues rendue possible
par l’utilisation de jantes en aluminium de 16 pouces.
La transmission intégrale permanente, élément clé de
sa conception, est un atout indéniable, offrant une sérénité inégalée quelles
que soient les conditions de roulage. Et lorsque les routes deviennent
impraticables, la boîte courte et le visco-coupleur avec blocage automatique du
différentiel permettent de surmonter sans effort les situations les plus
extrêmes.
Le freinage, lui aussi modernisé, repose sur quatre
disques, ventilés à l’avant, et s’appuie sur l’ABS pour garantir un contrôle
optimal. Certes, ses performances modestes ne le transforment pas en
bolide, mais elles suffisent largement à déplacer avec dignité les 1 845 kg de
cette icône britannique. Au volant, aucun effort superflu : la boîte
automatique en option et la direction assistée font de chaque trajet une
expérience reposante. En fin de compte, n’est-ce pas cela, le véritable luxe ?
Il ne faut pas oublier que le Range Rover visait une clientèle bien particulière : les lords et propriétaires terriens désireux de rejoindre leurs domaines aux quatre coins du Commonwealth avec plus de confort et de facilité. Et dans ce rôle, il excelle parfaitement.
La Mercedes 560 SEC et le Range Rover Vogue Classic
incarnent deux visions complémentaires du luxe automobile des années 1980.
L’une illustre un luxe conjugué à des performances sans compromis, fruit de
décennies de savoir-faire. Idéal pour ceux qui veulent voyager vite, dans un
confort royal et avec une maîtrise impressionnante. Au volant, la confiance est
totale, presque instinctive. On ressent ce petit supplément d’âme qui
justifie pleinement son nom de Sonderklasse.
De son côté, le Range Rover offre une approche différente,
là où la Mercedes s’arrête. Il promet de bichonner ses occupants, peu importe
les défis que présentent les chemins les plus exigeants au monde. Et lorsque
les bottes pleines de terre sont enfin rangées, il est tout aussi à l’aise pour
vous déposer avec élégance devant votre demeure de campagne.
Deux voitures iconiques, symboles d’un luxe décomplexé et
d’une robustesse inébranlable. Le Range Rover Vogue a déjà trouvé preneur,
mais cette magnifique Mercedes 560 SEC est encore disponible. Si vous souhaitez
vivre une expérience hors du commun, n’hésitez pas à nous contacter.