Essai Audi RS4 Nogaro Selection : hommage au break sportif

17.11.2023

Si les racines d'Audi remontent au début du XXe siècle, ce n'est réellement qu'à partir des années 60 que la marque réapparaît sur le devant de la scène en tant qu'entité distincte, après avoir été reprise par VW. L'objectif était clair : faire d'Audi une marque aussi prestigieuse que Mercedes et BMW. Créer une telle image de marque n'était pas une sinécure. Grâce au talent de l'ingénieur Ferdinand Piëch, qui a notamment supervisé la conception de la Porsche 917, Audi a pris un virage technologique et sportif pour se faire connaître. La technologie a joué un rôle majeur, avec des innovations telles que la transmission intégrale permanente adoptée en grande série avec la Quattro, ou encore l'introduction, au sein du groupe VW, du premier moteur turbo diesel à injection en 1989. Dans les années 80 et 90, un autre vecteur de communication incontournable était bien sûr le sport automobile. Audi s'est illustré sur les circuits et les pistes du monde entier grâce à son engagement en Groupe B et en DTM. 

La naissance d’un nouveau genre de sportive

Les exploits ne se retrouvent que timidement sur la route avec des coupés sportifs, comme l’Audi S2, un peu en retrait de la concurrence en termes de puissance. Il faut donc frapper un grand coup pour entrer dans le cercle très fermé des familiales sportives. Audi a donc l’idée de faire appel à Porsche, alors en proie à des difficultés financières, pour développer un projet spécial, à l'instar de Mercedes avec sa 500 E (lire Essai Mercedes 500E : Jacques Laffite en a eu trois !). Porsche va ainsi développer sur la base d’une S2 Avant le premier break sportif de l’histoire. Les carrosseries des S2 étaient prélevées des chaînes d’assemblage sans pare-chocs, ni rétroviseurs et sans certaines parties de l’intérieur, puis envoyées chez Porsche pour la finalisation. Sous le capot, les ingénieurs de Stuttgart ont repris le moteur 5 cylindres 2.2 de la S2 tout en modifiant énormément de pièces (arbre à cames, injecteurs, turbo...) pour en tirer 315 ch et 410 Nm de couple. Les liaisons au sol ne sont pas en reste avec une caisse rabaissée, des amortisseurs Bilstein spécifiques, des triangles de suspension coulés ainsi que des freins et des jantes Cup issus de la gamme Porsche. Le kit carrosserie est également dérivé des Porsche 911 avec des rétroviseurs repris directement et des pare-chocs inspirés des 964 et 993 (lire essai Porsche 911 type 993 : la fin d'une "air"). Le bandeau de feux arrière est aussi un clin d’œil aux 911. À l’intérieur, la sellerie en cuir et alcantara spécifique, le volant ainsi que les fonds de compteur et manomètre blancs donnent le ton d’une ambiance sportive.

Ainsi naît l’Audi RS2, qui innove en créant le segment des breaks sportifs capables aussi bien de transporter la famille en vacances que de rivaliser avec les meilleurs coupés sportifs sur une route dégagée, avec ses 5,4 s pour atteindre 100 km/h et ses 262 km/h en vitesse de pointe. La RS2 a donc lancé la grande lignée des breaks sportifs chez Audi, ayant pour émules la RS4 en 2000 et la RS6 par la suite. Ainsi, pour célébrer les 20 ans de son icône en 2014, Audi a présenté une édition limitée, l’Audi RS4 Nogaro Selection.

Le break de chasse a 20 ans

Cette édition limitée à 130 exemplaires dans le monde se distingue de la RS4 classique par sa configuration unique en bleu Nogaro, où tous les contours de calandre, de vitres et d'échappement sont teintés en noir. Le bleu Nogaro a sa propre histoire, étant devenu la couleur la plus populaire parmi les 10 teintes proposées sur la RS2 à l'époque. Cette teinte a pris le nom du célèbre circuit gersois grâce à la double victoire (12 avril et 10 octobre) de Frank Biela avec une Audi 80 sur le circuit de Nogaro lors de la saison 1993 du Championnat de France de Supertourisme. Presque 30 ans jour pour jour après la victoire du 10 octobre 1993, nous avons pu lui rendre hommage à notre tour en plaçant notre RS4 Nogaro Selection sur le circuit de Nogaro. C’est certainement la seule et unique fois que cette édition limitée a foulé la piste qui porte son nom.

Pour le reste, on retrouve un intérieur de qualité typiquement Audi, très bien fini avec de nombreux matériaux nobles tels que le cuir, l'alcantara, le carbone et l'aluminium. La planche de bord a bien vieilli et seul l'écran central accuse son âge, mais l'ergonomie est toujours au niveau. Cette édition se distingue par des badges spécifiques “ Nogaro Selection ” et une sellerie en cuir noir et alcantara bleu. Le carbone arbore également un liseré bleuté, du plus bel effet.

L'ambiance est à la fois haut de gamme et sportive avec le système audio optionnel Bang & Olufsen, les sièges Recaro et le volant à trois branches avec méplat.

La technologie au service de la performance

Pied sur le frein, j'appuie sur le bouton start. Le V8 4,2 s'éveille dans un grondement fort, appréciable jusqu'à se contenter d'un doux glougloutement une fois le régime stabilisé. Sous le capot, la course à la performance et au prestige a conduit Audi à adopter un moteur V8 sans suralimentation. Adopté dès la génération précédente, il a été retravaillé légèrement pour gagner en performance et en efficience. Il affectionne particulièrement les hauts régimes, ce qui est rare pour Audi, délivrant ses 450 ch à plus de 8250 tr/min et ses 430 Nm de couple entre 4000 et 6000 tr/min. En pratique, le V8 est assez linéaire et monte rapidement dans les tours. On se surprend à vite passer les vitesses à l'approche de la zone rouge perchée à 8500 tr/min. Le son, ou devrais-je dire la symphonie, s'éveille progressivement tout comme la hargne du moteur, virant de plus en plus vers l'aigu en même temps que les 8 cylindres s'activent pour délivrer toute leur force.

Cette mécanique d'exception ne serait rien sans un contrôle parfait de cette puissance jusqu'à la route. Un travail considérable a été réalisé pour augmenter la rigidité en torsion du châssis et réduire les masses non suspendues grâce à l'utilisation massive d'aluminium pour les trains roulants. La masse totale n'a jamais été le point fort de ces grands breaks, pesant ici 1870 kg, mais c’était mal connaitre Audi et son amour pour la technologie pour arriver à gommer cette masse sur la route.

La plus ancienne des technologies, le Quattro, est bien évidemment de la partie avec un nouveau différentiel central ayant une répartition de 40:60 en temps normal, mais capable de transmettre plus de 70% du couple moteur à l'avant et jusqu'à 85% à l'arrière. Un concert orchestré par le différentiel sportif de notre modèle qui répartit la puissance séparément entre les roues arrière. L'Audi Drive Select dicte les lois de toutes ces technologies (accélérateur, boîte de vitesses, amortisseurs, direction, échappement...) à travers quatre modes : Confort, Auto, Dynamique et Individual. La route vers Nogaro est très variée et m'a permis de découvrir toutes les facettes de l'auto. En ville et dans les embouteillages de Toulouse, le mode Confort s'apprécie pour sa souplesse, évitant une conduite rigide malgré les belles jantes de 20 pouces et les sièges Recaro. La boîte à double embrayage S Tronic à 7 rapports se fait oublier et réagit assez naturellement.

Pour les amateurs du genre

Une fois l’agitation de ville passée et l’horizon dégagé, la RS4 emprunte la grande nationale à 2x2 voies qui est clairement son domaine de prédilection. Les performances du moteur permettent d'atteindre facilement les 110 km/h autorisés (0 à 100 km/h en 4,7s), et les relances semblent infinies tant le V8 a du coffre. Les raccords sont absorbés avec un peu de fermeté, mais c'est nécessaire pour une voiture capable de flirter avec les 280 km/h en vitesse de pointe. Ce TGV avale les kilomètres de voie rapide en toute quiétude grâce à ses 4 roues motrices et sa stabilité dans les grandes courbes, légèrement sous-vireur. La capitale du Gers, Auch, s'éloigne derrière moi, laissant place à son lot de départementales très passantes et assez ennuyeuses. La plupart du temps, le mode Individual était activé avec la direction et l'amortissement en mode Dynamique pour une meilleure précision, mais une boîte en mode Confort pour plus d'efficience.

Soudain, la route offre quelques moments de plaisir indiqués par des panneaux en triangle rouge signalant une route sinueuse. J'abaisse l'excellent son du système Bang & Olufsen, je sélectionne le mode Dynamique et j'actionne le mode manuel de la boîte de vitesses. La confiance n'est pas forcément immédiate quand on est habitué à des voitures très précises comme les BMW. À l'entrée en virage, la RS4 sous-vire comme une traction, puis se stabilise naturellement pour une efficacité redoutable avant d'envisager légèrement un survirage pour sortir plus rapidement de la courbe. Dans les enchaînements, le maintien de la caisse montre ses limites avec une prise de roulis perceptible due à la masse. À la réaccélération en sortie de courbe, on ressent que le système Quattro est basé sur une architecture traction puisqu’il peut élargir la trajectoire. C'est une philosophie à adopter, on adhère ou pas, mais dans tous les cas, cette RS4 se montre suffisamment agile et digne de confiance dans ces situations délicates. Il lui manque simplement un peu de ressenti et de connexion à la route avec une direction avare en informations.

La boîte réagit très rapidement lors des montées de rapport grâce à la technologie du double embrayage, mais reste toujours un peu en retrait lors des rétrogradages.

Le couteau suisse

Le panneau Nogaro apparaît dans la pénombre, bien éclairé par les feux xénon adaptatifs, une autre spécificité d’Audi. J'actionne une dernière fois les freins à l'efficacité redoutable (disque de 365 mm et étriers à 8 pistons à l'avant), laissant entrevoir malgré tout la masse de la voiture. Je peux déjà dresser le bilan de cette RS4 quelque peu spéciale. La philosophie créée par Audi est intacte depuis presque 30 ans aujourd'hui. L'Audi RS4 est capable de vous emmener partout dans toutes les conditions, avec une maîtrise rassurante. Elle est bonne pour tout faire, des trajets quotidiens aux longs voyages sur autoroute, tout en pouvant rivaliser avec des sportives d'un rang supérieur sur des routes sinueuses. C'est un véritable couteau suisse, bon partout, mais pas forcément excellent dans un domaine, si ce n'est dans celui du transport à haute vitesse sans encombre. Cette Audi RS4 Nogaro Selection est donc la prétendante idéale pour s'approprier un morceau de l'histoire automobile, ayant vu naître une sportive d'un nouveau genre. Ces Audi RS ont fait des émules, mais elles bénéficient toujours d'une aura certaine, appréciable ici dans une édition rare qui rend en plus hommage à notre région et à son circuit de Nogaro. Pour clore la boucle, Jacques Laffite, qui entretient un lien particulier avec le circuit de Nogaro en ayant débuté en tant que mécanicien avec Jabouille, a été passager de cette voiture le temps d'un week-end à Nogaro. Cette Audi RS4 Nogaro Selection est définitivement une version très spéciale.


Cette Audi RS4 est toujours disponible ici. 

Photos et texte par Donatien Le Clainche

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