L'histoire de l'automobile est indissociable de Mercedes.
Comme toute marque pionnière qui se respecte, le constructeur s'est rapidement
engagé en compétition pour faire connaître ses modèles et démontrer leur
durabilité. Entre les deux guerres, les Mercedes de compétition, revêtues d'une
livrée grise argentée, ont mérité le surnom de "Flèches d'Argent" et
ont remporté de nombreuses courses. L'histoire a connu des moments sombres
avant de retrouver un essor économique et un renouveau de la compétition
automobile dans les années 50. À ce moment-là, Mercedes a ressorti ses voitures
d'avant-guerre, mais elles se sont rapidement révélées dépassées sur le plan technologique.
Il a donc été décidé de concevoir une toute nouvelle voiture de course pouvant
être engagée dans diverses compétitions à travers le monde. Le projet W194 est
né. La mise au point a été confiée à Rudolf Uhlenhaut, un ancien pilote, qui a
cherché à utiliser de nombreuses pièces déjà existantes pour réduire les coûts.
Le moteur retenu était le six cylindres en ligne de 170 ch de la 300 Adenauer,
qui avait déjà fait preuve de sa fiabilité à de nombreuses reprises. Pour
améliorer les performances, sa culasse a été fondue en aluminium et trois
carburateurs Solex inversés ont été montés. De même, la boîte de vitesses à
quatre rapports synchronisés, qui avait déjà fait ses preuves sur la 300, a été
utilisée. La fiabilité était donc au centre des préoccupations, mais
l'utilisation de ce moteur et de cette transmission n'offrait pas des
performances exceptionnelles sur le papier. Pour pallier ce manque de
puissance, il a été décidé de développer une carrosserie ultra-légère.
Rudolf retient l'idée d'un châssis-treillis composé de
petits tubes soudés en triangle, ne pesant que 50 kg tout en restant très
rigide. Par la suite, le talentueux Friedrich Geiger signe une carrosserie en
alliage d'aluminium et de magnésium dictée par l'aérodynamique, en optant pour
un habitacle réduit en largeur et en hauteur. Étant donné que le châssis ne
permettait pas d'adopter des ouvertures conventionnelles, un ingénieux système
de portes "papillon" a été développé pour permettre l'accès à
l'habitacle. L'ensemble de ces innovations a permis d'atteindre un excellent
coefficient de traînée (Cx) de 0,25 et un poids total de 1080 kg.
Cette remarquable Mercedes 300 SL, signifiant "Sport
Leicht" en allemand, a fait son apparition aux Mille Miglia en mai 1952 et
s'est déjà distinguée en remportant les première et quatrième places. Quelques
semaines plus tard, les nouvelles "Flèches d'Argent" ont monopolisé
les trois marches du podium lors du Grand Prix de Berne. En juin de la même
année, une 300 SL a remporté les 24 heures du Mans en établissant un record de
vitesse avec une moyenne de 155,575 km/h.
La saison s'est achevée avec la célèbre course Carrera
Panamericana au Mexique, où deux 300 SL, équipées de moteurs réalésés pour
l'occasion, ont monté avec succès sur le podium.
Les succès retentissants de la 300 SL ont rapidement attiré
l'attention de Max Hoffman, importateur de voitures européennes de luxe aux
États-Unis. Il a vu en cette voiture l'opportunité de renforcer l'image de
Mercedes sur le marché américain. Il a convaincu les dirigeants de la société
de produire une version routière de ce modèle pour satisfaire leur clientèle
aisée, allant jusqu'à passer commande des 1000 premiers exemplaires en versant
un acompte. La Mercedes 300 SL de type W198 a fait ses débuts au Salon de
l'Automobile de New York en 1954, et elle a immédiatement conquis le cœur des
amateurs de voitures, devenant ainsi la voiture de sport la plus rapide du
monde à sa sortie, avec une vitesse maximale de 225 km/h.
La 300 SL a troqué son aspect lisse pour une carrosserie un
peu plus luxueuse mais la filiation est évidente. Sa carrosserie peut toujours
être composée en aluminium mais cette option très onéreuse ne sera cochée que
pour 29 exemplaires au total. Le reste de la production sera réalisé en acier
sauf pour les portes, le coffre et le capot qui resteront en aluminium. Sous le
capot, les carburateurs ont été remplacés par une injection Bosch novatrice,
faisant de la 300 SL la première Mercedes équipée de cette technologie avancée.
La 300 SL était un chef-d'œuvre technologique, mais son prix
élevé a incité, toujours à la demande de Hoffman, la création d'une version
plus abordable, la 190 SL, apparue en 1955. Elle offrait le charme de la 300 SL
et reprenait certaines de ses technologies, telles que la suspension à double
triangulation et un essieu arrière oscillant, tout en proposant une carrosserie
cabriolet et un modeste moteur 4 cylindres de 1,9 litre alimenté par
carburateur développant 105 ch. Malgré cela, elle pouvait atteindre une vitesse
maximale honorable de 175 km/h.
Cette petite SL a rencontré un grand succès, incitant
Hoffman à commander une version roadster de la 300 SL. Lors du Salon de
l'Automobile de Genève en 1957, la 300 SL roadster a pris la relève de la
version coupé. Malgré son aérodynamique moins favorable et son surpoids de 35
kg, la 300 SL a encore séduit davantage le marché américain, qui était friand
de cabriolets sportifs et luxueux. En effet, cette 300 SL a évolué vers une
orientation plus luxueuse, jetant ainsi les bases de la gamme SL.
Pour satisfaire les nostalgiques de la version coupé, un
hardtop a été introduit en 1958 (ajoutant 40 kg). En 1961, la 300 SL a adopté
quatre freins à disque, une caractéristique qui était auparavant un brevet de
Jaguar. Enfin, en 1962, elle a proposé une dernière évolution avec un bloc
moteur en aluminium. En 1963, cette légende s'est arrêtée après la production
de 3258 exemplaires, dont 1858 roadsters, dont plus de 80% ont été vendus sur
le marché américain.
La fin de cette icône ne signifiait pas pour autant la fin
de la lignée, car la même année, lors du Salon de l'Automobile de Genève, la
nouvelle Mercedes 230 SL a été présentée. La même équipe de développement qui
avait travaillé sur la 300 SL avait pour objectif de concevoir une voiture
intermédiaire entre la 300 SL et la 190 SL. Elle était donc équipée d'un moteur
6 cylindres de 2,3 litres développant 150 ch, le tout dans un gabarit plus
compact. Sa silhouette emblématique a été conçue par le designer français Paul
Bracq, notamment le hardtop en forme concave, ce qui lui a valu le surnom de
"Pagode" en raison de son style rappelant les toits pyramidaux des
temples d'Extrême-Orient.
Restant fidèle à son héritage d'innovation, cette SL a
introduit pour la première fois sur une voiture de sport une carrosserie dite
"de sécurité". Conçue par Béla Berényi, elle comportait une cellule
centrale renforcée pour la protection des occupants, entourée d'une carrosserie
étudiée pour se déformer et absorber les chocs en cas d'accident. Soixante ans
plus tard, ces mêmes principes guident encore la conception de nos voitures. Elle a, également, été la première Mercedes à adopter des pneus à structure radiale.
En décembre 1966, la 250 SL a pris la place sur les lignes
d'assemblage, dotée d'un moteur plus coupleux qui permettait une meilleure
accélération. La puissance et la vitesse maximale de 200 km/h sont restées
inchangées. Cette version a également vu l'apparition de la rare déclinaison
California Coupé, qui remplaçait la capote par une banquette pour en faire un
coupé 2+2.
En 1968, la Pagode a adopté un moteur plus puissant de 170
ch. La 280 SL est devenue le modèle le plus populaire de la série. Nous avons
la chance d'accueillir un magnifique exemplaire entièrement restauré qui marie
avec élégance le blanc et le bleu marine. En mars 1971, la Pagode a cessé
d'être produite pour laisser la place à de nouveaux modèles qui allaient
devenir de plus en plus luxueux.
Au début des années 2000, le SL est devenu un lourd et
luxueux coupé cabriolet qui n’a de sportif que le nom. À cette même période, la
supercar SLR issue d’une collaboration entre McLaren et Mercedes brille plus
par son design spectaculaire que par ses performances sur circuit. Une aventure
qui mettra un terme à la collaboration ne laissant potentiellement aucune
descendance à la SLR mais c’était sans compter sur le préparateur maison, AMG,
qui a vu l’opportunité de développer son premier modèle 100% inédit qui ne
dérive pas d’un modèle de série.
En 2009, la Mercedes SLS AMG a surpris le monde entier par
son design majestueux et original. Développée sous la direction de Gordon
Wagener, la SLS (pour Super Light Sport) a puisé son inspiration de la 300 SL
sans toutefois tomber dans le piège du néo-rétro. Cet exercice de style a été
couronné de succès avec des clins d'œil au modèle original, comme la grande
calandre arborant l'étoile, le long capot, l'arrière bombé, l'habitacle plus
étroit, et bien sûr, ses portes papillon ou "ailes de mouette" en
allemand (Gullwing). Ses dimensions imposantes lui confèrent une prestance
unique : plus de 2 mètres de large entre chaque rétroviseur, plus de 4,6 mètres
de longueur et moins de 1,3 mètre de hauteur. Son design a été largement
récompensé dans le monde entier.
Sous cette carrosserie exceptionnelle se cachent des
technologies tout aussi remarquables. Comme sa sœur spirituelle, la SLS adopte
une structure en treillis en aluminium, et sa carrosserie est entièrement en
aluminium, ce qui garantit un poids contenu à un peu moins de 1700 kg, soit
moins de 300 kg par rapport à une SL 63 AMG équipée du même moteur. L'équilibre
des masses a été une préoccupation majeure pour les concepteurs, avec une
répartition de 47 % à l'avant et 53 % à l'arrière, obtenue grâce à
l'architecture transaxle. Le moteur, situé le plus au centre à l’avant, envoie
sa puissance via un arbre de transmission en carbone vers la boîte de vitesses
à double embrayage située sur l'essieu arrière.
En ce qui concerne le moteur, la SLS ne fait pas de
compromis en incorporant le somptueux V8 atmosphérique de 6,2 litres,
spécialement revisité pour l'occasion. Avec ses 571 ch et 650 Nm de couple, il
atteint quasiment le rendement exceptionnel de 100 ch/L. Cela a été possible
grâce à un travail en profondeur, comprenant notamment une révision de
l'admission, des modifications de l'arbre à cames et de la commande des
soupapes. Pour garantir la fiabilité, les pistons sont forgés, les paliers sont
renforcés, et la pompe à huile est de haute performance. De même, les éléments
de la suspension à double triangulation sont en aluminium forgé.
La SLS est une voiture sans compromis qui procure un plaisir
de conduite intense grâce à son comportement dynamique et à son caractère
moteur incomparable par rapport aux moteurs turbos.
Ce modèle rend un hommage réussi à la 300 SL, apprécié
d'autant plus lorsqu'il est observé à côté de son aînée. Cette rencontre
exceptionnelle dans notre showroom marque la fin de notre voyage à travers
certaines des versions les plus emblématiques de la lignée des Mercedes SL.
N'hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez acquérir un chapitre de cette
histoire.
Photos et texte par Donatien Le Clainche