C’est en dressant le bilan et en regardant l’histoire que
l’on peut s’apercevoir que la concrétisation de nombreux faits tient parfois à
des décisions in extremis. Si aujourd’hui, les Ferrari à moteur central font
rêver de nombreux passionnés aux quatre coins du globe par leur style, leur performance et leur sportivité, il se peut qu’elles n’aient jamais pu exister.
Fidèle à sa vision bornée de la course automobile, Enzo Ferrari ne pouvait pas
concevoir autre chose qu’un moteur V12 avant pour ses voitures. Également, des
voitures dont il ne se souciait guère de leur facilité de conduite. Si des
personnes comme Colin Chapman pouvaient gagner des courses avec des voitures
légères et dotées d’une petite cylindrée, pour Enzo, une voiture de course se
devait d’avoir un moteur très puissant et performant, parfois au détriment du
reste. Bien que belles à regarder, les anciennes Ferrari ne sont pas réputées
pour leur conduite, souvent considérées comme fatigantes à emmener.
Heureusement ou malheureusement, quelques épisodes sombres de sa vie
d’entrepreneur sont venus bousculer les codes établis et ont conduit la marque
à se développer d’une autre façon. Pour pouvoir continuer à financer la
Scuderia Ferrari, il fallait pouvoir vendre plus, ce qui passait par des voitures
moins exclusives. Un sacrilège pour Enzo, mais il a finalement cédé à la
tentation en apportant toujours ses propres conditions. Il y aura bien un
modèle abordable, non équipé d’un V12, mais hors de question qu’il soit badgé
Ferrari. La marque Dino est créée en 1965 en hommage à l’un de ses épisodes
sombres de sa vie, la mort prématurée de son fils Dino. Cette voiture est une
véritable petite révolution avec un moteur V6 à 65° tout en aluminium placé en
position centrale arrière. Une architecture inédite et un moteur entièrement
nouveau pour une voiture qui dispose toujours d’une certaine aura. Il faut dire
que son style signé Pininfarina, comme les grandes Ferrari, ne laisse pas
indifférent. Sa carrosserie en aluminium, son comportement équilibré et son
moteur rageur vont en faire un véritable petit succès. Un engouement qui
conduira Ferrari à valider le projet de sa remplaçante qui cette fois-ci sera
marquée du cheval cabré.
En 1975, la Ferrari 308 inaugure donc la lignée des
berlinettes à moteur V8 en position centrale arrière. Une lignée qui va porter
la marque vers de nouveaux horizons avec des ventes qui vont s’envoler. La 308
va donc évoluer en 328 en 1985 avant de laisser place à un tout nouveau modèle,
le premier lancé après la mort d’Enzo, la 348. Une génération en rupture avec
un châssis semi-monocoque qui arbore un design complétement nouveau qui
s’inspire de la Testarossa. Sur le plan technique, le V8 3,4 litres à 90° passe en
position longitudinale comme sur la récente F40 et la boîte de vitesses est
montée transversalement à l’arrière du moteur. La F355 suit en tant que
grosse évolution, mais elle apparait plus mature que jamais. C’est la première
voiture du constructeur à être équipée de 5 soupapes par cylindre et c’est
aussi la première Ferrari proposant une boîte séquentielle de type F1. Une
option qui a ouvert la voie d’un nouveau chapitre, celui des voitures plus
faciles à conduire. Sa ligne intemporelle et son comportement affiné en font un
classique très recherché aujourd’hui. La raison de son succès en collection,
est à chercher du côté de sa remplaçante, la 360 Modena qui marque une rupture
nette dans l’histoire des berlinettes. Finies les voitures archaïques à la
finition légère, place à la modernité. Sa carrosserie tout en aluminium a été étudiée
en soufflerie pour garantir des performances de haut niveau. Son habitacle se
modernise dans son dessin et les matériaux sont plus nobles qu’auparavant. Si
la 360 reste pointue à piloter à la limite, elle devient plus accessible en
démocratisant un peu plus la boite F1 et en faisant rentrer l’électronique pour
aider le conducteur. Néanmoins, les puristes ne sont pas oubliés, car cette
génération voit apparaître pour la première fois, une version de série radicale
homologuée pour la route. La Challenge Stradale affole les chronos et déchaîne
les passions avec ses réglages sportifs et son V8 à 90° revu au niveau de
l’admission et de la distribution pour un total de 425 ch. Une version à ne pas
mettre entre les mains d’un novice. La légende s’écrit !
Comme le veut la tradition, la F430 est plus une profonde évolution
qu’une simple nouvelle voiture à part entière. Cette génération entre un peu plus
dans le XXIe siècle avec une boîte manuelle qui vit ses dernières heures (un
collector à acheter !) et ses modes de conduite qui agissent sur les
réglages électroniques de la voiture : le fameux Manetino. L’habitacle
s’améliore toujours un peu plus et la 430 s’arrache comme des petits pains. La
430 Scuderia entre dans l’histoire avec son V8 4,3 litres de 510 ch à la
sonorité unique qui pousse la note jusqu’à 8650 tr/min. Une légende écrite par
une autre, Michael Schumacher. Le septuple champion du monde a participé au
développement de cette voiture, notamment dans les réglages des différents
modes. On lui doit le mode Corsa par exemple. Ferrari est au meilleur de sa
forme et propose, pour fêter les 16 titres de champion du monde des
constructeurs en F1, une version cabriolet de la Scuderia : la Scuderia
16M. Une première pour le constructeur qui ose la radicalité cheveux au vent.
Avec seulement 499 exemplaires, elle est déjà entrée au Panthéon des Ferrari
d’exception à collectionner.
En 2009, un tournant s’opère chez Ferrari avec la
présentation de la 458 Italia qui apparaît plus aboutie que jamais. Derrière ce
nom qui rappelle ses origines italiennes, se cache une révolution qui est pour
la dernière fois orchestrée par Schumacher. La berlinette est enfin pilotable
par tout le monde. La boite F1 et manuelle, laissent place à une inédite boite
à double embrayage ultra rapide. L’habitacle se réinvente totalement en
regroupant les fonctionnalités devant le pilote. C’est d’ailleurs l’apparition
du premier volant avec les commandes de clignotants déportées. Les matériaux et
les assemblages progressent énormément. La ligne ne ressemble à aucune autre et
a le bon gout de se passer d’appendices aérodynamiques. Elle reste pure tout en
étant performante. Derrière, sous va verrière, telle une cathédrale, se trouve la
dernière évolution du V8. Ce 4.5 litres développe 570 ch et 540 Nm de couple
avec une zone rouge à 9000 tr/min. Doté de peu d’inertie, le V8 frappe par ses
montées en régime fulgurantes accompagnées d’une bande son théâtrale à
l’ouverture des valves. Un moteur exceptionnel qui a été récompensé plusieurs
fois par le titre du meilleur moteur sportif de l’année. Une sonorité qui s’apprécie
toujours les cheveux au vent, mais pour cette génération la capote en toile a
laissé place à un mécanisme de toit rétractable permettant de cumuler les
avantages du coupé avec ceux du cabriolet classique. Une ligne à tomber par
terre avec ses 2 arches qui se laissent contempler une fois le toit rétracté.
Finalement, le V8 exprimera toute sa beauté au sein de la déclinaison radicale,
nommée 458 Speciale. La puissance passe à 605 ch grâce à de nouveaux matériaux
pour les bielles et pistons, une admission revue plus légère de 8 kg, un
nouveau profil d’arbre à cames ou encore une optimisation de la dynamique des
fluides dans la chambre de combustion. Le poids diminue de près de 100 kg avec
l’utilisation massive de carbone et un habitacle qui se débarrasse des
isolations pour laisser transpirer le sport. Harnaché des les baquets, le
pilote se surprend à virevolter dans chaque virage avec une connexion homme
machine poussée à son paroxysme. Les sensations sont décuplées et sans le
savoir, il fait vivre les derniers instants à ce moteur d’anthologie. Toutes
les bonnes choses ont une fin et la 458 Italia, bien que novatrice, est aussi
le dernier chapitre d’une ère. Celle des berlinettes à moteur V8 atmosphérique
dessinées par Pininfarina. La 488 GTB qui suit est un pur produit du centre de
style de Ferrari et se dote d’une suralimentation avec un V8 3,9 litres
bi-turbo de 670 ch. Une nécessité pour améliorer les performances toujours plus
incroyables. Il ne tombe pas dans les écueils d’un moteur suralimenté grâce à
une poussée linéaire et un appétit certain pour les hauts régimes jusqu’à 8200
tr/min. Ferrari signe encore une fois une œuvre qui a été récompensée plusieurs
fois comme meilleur moteur international.
La version radicale, dénommée Pista, compense un certain
manque d’émotions par une ligne à couper le souffle et des performances
toujours plus impressionnantes avec un 0 à 200 km/h en 7,6 secondes.
Normalement, Ferrari aurait dû introduire une nouvelle
génération à la suite de la 488 GTB, mais la plateforme issue de la 458 Italia
s’habille d’une dernière grande évolution sous l’appellation F8 Tributo. Tout
est dans le nom : Ferrari 8 cylindres Hommage. Cet aparté historique
marque la fin d’une ère commencée 48 années plus tôt. Comme une preuve de
sagesse, le V8 n’évolue plus et provient directement de la Pista. Le style
réalise des clins d’œil au passé avec le retour des quatre feux ronds et un
capot moteur inspiré de la F40.
L’histoire est un éternel recommencement et aujourd’hui, la
place est laissée à une nouvelle berlinette, la 296 GTB, motorisée par un V6 3.0 litres à
120° – comme une certaine Dino – hybride pour être dans l’air du temps. Placé
au plus près du sol et doté de performances exceptionnelles (830 ch et 900
Nm !), il efface les anciens V8 d’un coup de gaz, mais laisse pour eux une
symphonie et une histoire incomparable.
Il est encore temps de s’offrir une partie de cette LEGEND avec nos nombreuses Ferrari V8. Il ne reste plus qu’à choisir celle qui vous
correspond 😉
Photos
et texte par Donatien Le Clainche