Essai Porsche 911 type 993, la fin d'une "air"

28.07.2023

À l'aube des années 1990, Porsche n'est pas dans une situation économique très favorable après le krach de 1987. Les efforts d'investissement pour tourner la page de la 911 avec le développement des Porsche à moteur Avant (PMA) n'ont pas porté leurs fruits et la 911 est l'unique modèle qui se vend le mieux, surtout aux États-Unis depuis l'introduction du cabriolet. Au sein de la direction du constructeur, les têtes changent les unes après les autres, avec chacune une vision différente. La voie finit par se tracer, la 911 doit perdurer en devenant une icône de la performance à chaque génération. Les mêmes problèmes rencontrés lors de la présentation des PMA apparaissent avec une 911 trop ancrée dans ses carcans. Son design a peu évolué et ses solutions techniques également. Le moteur refroidi par air ne peut plus suivre la course à la puissance qui s'intensifie dans les années 90 en raison de sa conception ne pouvant accueillir plus de 2 soupapes par cylindre. Le choix est pris de concevoir un nouveau modèle refroidi par eau, mais le développement de la quatrième génération est déjà bien avancé et la coque de la 911, qui n'a que très peu évolué, ne permet pas de recevoir ce nouveau bloc. La quatrième génération reçoit donc encore une fois le 6 cylindres à plat refroidi par air et cette fois-ci, on le sait, c'est la dernière fois qu'une 911 sera refroidie par air. Aujourd'hui, Pelras Legend vous propose de partir à la découverte de cette étape importante de la 911 avec l'essai de cette magnifique Carrera de 1994.

Un design familier et inédit

Le 9/11/1993, la Porsche 911 type 993 est présentée en grande pompe au public, trente ans après la première génération. Elle apparaît tout de suite comme familière tout en étant différente. En effet, la 993 est 80% nouvelle et son design, réalisé par Tony Hatter, reprend les derniers codes stylistiques initiés par le concept Porsche Panamericana de 1989. Le design s'équilibre et se muscle subtilement et les proportions deviennent plus naturelles avec l'élargissement de 83 mm et les jantes 17 pouces Cup Design 93. Les ailes avant s'aplatissent pour inaugurer un nouveau regard au xénon plus moderne. Seuls les portes, le toit et le capot avant sont repris de la 964. À l'intérieur, les différences sont moins flagrantes avec une architecture qui n'a pas vraiment changé. En y regardant de plus près, on se rend compte que la position de certains boutons a été modifiée, que les contre-portes ont été redessinées et que le volant avec airbag et les sièges sont inédits. La qualité des matériaux et de l'assemblage est toujours une référence et l'intérieur vieillit très bien, preuve en est avec cet exemplaire qui a parcouru un peu plus de 156 000 km en 29 ans. L'amateur de 911 n'est donc pas trop bouleversé même si cette génération ouvre la voie vers un développement et une refonte du modèle devenue pressante, mais l'heure est aux économies, les nouveautés se retrouvent surtout du côté technique. Le Flat-six M64 ne bouleverse pas les codes. Il est repris de la 964 avec quelques chevaux supplémentaires pour un total de 272 ch et 330 Nm de couple sur cette version Carrera d'avant 1995. Il est en revanche, accouplé à une boîte mécanique six vitesses, une première sur une 911. Le châssis évolue également avec l'utilisation de nouveaux alliages qui permettent de gagner 20% de rigidité supplémentaire malgré une forme inchangée. La plus grande nouveauté se situe à l'arrière avec la refonte du plancher pour y incorporer un essieu multibras nommé LSA pour léger, stable et agile en allemand. Une nouveauté qui améliore grandement le comportement de la 911. Le reste de la suspension est similaire à la 964 avec des jambes McPherson à l'avant plus légères et des amortisseurs bi-tubes à gaz aux quatre coins avec une loi d'amortissement dégressive permettant un bon confort pour une sportive.

Enfin, l'électronique s'invite toujours plus à bord avec l'ABS et un antipatinage électronique ABD. La 911 s'améliore pour devenir toujours plus simple à conduire.

Entre modernité et tradition

Sur la route, la Porsche 911 type 993 affiche un double visage. À basse vitesse, la direction à assistance hydraulique est assez lourde et elle a tendance à suivre toutes les aspérités de la route à cause du réglage des trains. Elle n'est pas avare en sensations, et la conduite se montre tout de suite plus sportive sur nos départementales bosselées. C'est déjà un plaisir de conduire intense, même en respectant les vitesses, ce qui est rare et mérite d'être souligné. En revanche, dès que le rythme s'intensifie sur des routes lisses comme un billard, la direction devient beaucoup plus légère et un léger sentiment de flottement apparaît. On sent que l'avant décolle avec la prise au vent et que le poids se retrouve majoritairement à l'arrière, en bref, nous sommes bien en présence d'une 911 pour le meilleur et pour le pire. Sa conduite devient plus exigeante à vive allure, nécessitant de bien charger le train avant en cas de changement de cap sévère.

L'excellent système de freinage est présent pour aider le pilote dans cette tâche grâce à quatre disques ventilés et percés, ainsi qu'à des étriers quatre pistons. Le feeling est encore très actuel. Également, l'essieu arrière multibras vient corriger certains défauts des anciennes 911 en étant beaucoup plus simple à faire pivoter et en encaissant plus facilement les différents revêtements. La 911 s'équilibre et devient plus moderne que jamais, tandis que certains aspects vous replongent instantanément vers le passé, à commencer par la position de conduite. Aujourd'hui, les Porsche sont louées pour leur excellente position de conduite, mais ici le volant n'est pas réglable et la position est légèrement décalée vers la droite à cause du passage de roue. Le pédalier est donc désaxé par rapport au siège, et la faible profondeur de la planche de bord donne une position très proche du pare-brise. C'est une position old-school accentuée par les pédales de frein et d'embrayage au plancher, qui proviennent de l'héritage de la Coccinelle. La gestion de l'embrayage, au demeurant assez lourd, est un peu particulière. En conduite, il faut l'amorcer par le haut pour qu'il pivote et s'écrase au plancher. C'est un élément daté, mais on lui pardonne car acheter une ancienne Porsche 911, c'est aussi se procurer une capsule temporelle. La conduite est assez différente pour se sentir dépaysé au volant.

Autre indice d'une époque révolue, le chant libéré par la double sortie d'échappement, qui a été changé par l'ancien propriétaire. Le son du flat-six à air est reconnaissable entre mille, et ce nouvel échappement libère comme il se doit tout le coffre de sa voix. Glougloutant au ralenti, il devient de plus en plus sonore et aigu à la montée en régime, vous accompagnant de crépitements au lever de pied et au passage des rapports. Une symphonie qui peut, à elle seule, créer un coup de cœur, tout comme le moteur. Assez peu expressif en bas des tours, il joue la carte du gros moteur coupleux (340 Nm) pour cruiser sur un filet de gaz. En revanche, tel un vrai moteur atmosphérique, le pic de couple et de puissance s'atteignent haut dans les tours, respectivement à 5000 tr/min et à 6100 tr/min. Le moteur commence à se libérer à 4000 tr/min avant d'effectuer une dernière poussée vers 5500 tr/min pour terminer avec une hargne à 6800 tr/min. Une double philosophie parfaitement orchestrée par la nouvelle boîte de vitesses à six rapports à la précision très moderne. Les performances sont bien présentes, malgré une “ faible ” puissance comparée aux standards actuels. Les 1445 kg de cette Carrera sont propulsés à 100 km/h en 5,6 secondes. C'est largement suffisant pour se faire plaisir sur nos routes actuelles !

La Porsche 911 de la transition

Cette quatrième génération de Porsche 911 apparaît plus que jamais comme une 911 de transition, respectant à la fois les premières origines du modèle tout en élargissant son potentiel de séduction avec des touches de modernité bienvenues. Celle qui est considérée comme la dernière vraie 911 et même la plus pure poussera la chanson du refroidissement par air jusqu'à 450 ch sur l'extrême Turbo S. Elle prépare la voie à une ère moderne où le refroidissement à eau ouvrira la course à la puissance et le développement des versions spécifiques. En cette année du soixantième anniversaire de la 911, cette 993 apparaît comme la synthèse idéale de toute la magie de ce modèle emblématique. Et comme la vie est bien faite, elle est apparue presque jour pour jour à la moitié de la vie de la 911. Une voiture de collection qu'il est important de considérer pour tous ceux qui souhaitent réaliser le rêve d'une vie. Vous ne regretterez jamais d'avoir choisi cette génération !

Photos et texte par Donatien Le Clainche

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