À l'aube des années 1990, Porsche n'est pas dans une
situation économique très favorable après le krach de 1987. Les efforts
d'investissement pour tourner la page de la 911 avec le développement des
Porsche à moteur Avant (PMA) n'ont pas porté leurs fruits et la 911 est
l'unique modèle qui se vend le mieux, surtout aux États-Unis depuis
l'introduction du cabriolet. Au sein de la direction du constructeur, les têtes
changent les unes après les autres, avec chacune une vision différente. La voie
finit par se tracer, la 911 doit perdurer en devenant une icône de la
performance à chaque génération. Les mêmes problèmes rencontrés lors de la
présentation des PMA apparaissent avec une 911 trop ancrée dans ses carcans.
Son design a peu évolué et ses solutions techniques également. Le moteur
refroidi par air ne peut plus suivre la course à la puissance qui s'intensifie
dans les années 90 en raison de sa conception ne pouvant accueillir plus de 2
soupapes par cylindre. Le choix est pris de concevoir un nouveau modèle
refroidi par eau, mais le développement de la quatrième génération est déjà
bien avancé et la coque de la 911, qui n'a que très peu évolué, ne permet pas
de recevoir ce nouveau bloc. La quatrième génération reçoit donc encore une fois le 6 cylindres à plat refroidi par air et cette fois-ci, on le sait, c'est
la dernière fois qu'une 911 sera refroidie par air. Aujourd'hui, Pelras Legend
vous propose de partir à la découverte de cette étape importante de la 911 avec
l'essai de cette magnifique Carrera de 1994.
Le 9/11/1993, la Porsche 911 type 993 est présentée en
grande pompe au public, trente ans après la première génération. Elle apparaît
tout de suite comme familière tout en étant différente. En effet, la 993 est
80% nouvelle et son design, réalisé par Tony Hatter, reprend les derniers codes
stylistiques initiés par le concept Porsche Panamericana de 1989. Le design
s'équilibre et se muscle subtilement et les proportions deviennent plus
naturelles avec l'élargissement de 83 mm et les jantes 17 pouces Cup Design 93.
Les ailes avant s'aplatissent pour inaugurer un nouveau regard au xénon plus
moderne. Seuls les portes, le toit et le capot avant sont repris de la 964. À
l'intérieur, les différences sont moins flagrantes avec une architecture qui
n'a pas vraiment changé. En y regardant de plus près, on se rend compte que la
position de certains boutons a été modifiée, que les contre-portes ont été
redessinées et que le volant avec airbag et les sièges sont inédits. La qualité
des matériaux et de l'assemblage est toujours une référence et l'intérieur
vieillit très bien, preuve en est avec cet exemplaire qui a parcouru un peu
plus de 156 000 km en 29 ans. L'amateur de 911 n'est donc pas trop bouleversé
même si cette génération ouvre la voie vers un développement et une refonte du
modèle devenue pressante, mais l'heure est aux économies, les nouveautés se
retrouvent surtout du côté technique. Le Flat-six M64 ne bouleverse pas les
codes. Il est repris de la 964 avec quelques chevaux supplémentaires pour un
total de 272 ch et 330 Nm de couple sur cette version Carrera d'avant 1995. Il
est en revanche, accouplé à une boîte mécanique six vitesses, une première sur
une 911. Le châssis évolue également avec l'utilisation de nouveaux alliages
qui permettent de gagner 20% de rigidité supplémentaire malgré une forme
inchangée. La plus grande nouveauté se situe à l'arrière avec la refonte du
plancher pour y incorporer un essieu multibras nommé LSA pour léger, stable et
agile en allemand. Une nouveauté qui améliore grandement le comportement de la
911. Le reste de la suspension est similaire à la 964 avec des jambes McPherson
à l'avant plus légères et des amortisseurs bi-tubes à gaz aux quatre coins avec
une loi d'amortissement dégressive permettant un bon confort pour une sportive.
Enfin, l'électronique s'invite toujours plus à bord avec
l'ABS et un antipatinage électronique ABD. La 911 s'améliore pour devenir toujours
plus simple à conduire.
Sur la route, la Porsche 911 type 993 affiche un double visage. À basse vitesse, la direction à assistance hydraulique est assez lourde et elle a tendance à suivre toutes les aspérités de la route à cause du réglage des trains. Elle n'est pas avare en sensations, et la conduite se montre tout de suite plus sportive sur nos départementales bosselées. C'est déjà un plaisir de conduire intense, même en respectant les vitesses, ce qui est rare et mérite d'être souligné. En revanche, dès que le rythme s'intensifie sur des routes lisses comme un billard, la direction devient beaucoup plus légère et un léger sentiment de flottement apparaît. On sent que l'avant décolle avec la prise au vent et que le poids se retrouve majoritairement à l'arrière, en bref, nous sommes bien en présence d'une 911 pour le meilleur et pour le pire. Sa conduite devient plus exigeante à vive allure, nécessitant de bien charger le train avant en cas de changement de cap sévère.
L'excellent système de freinage est présent pour aider le
pilote dans cette tâche grâce à quatre disques ventilés et percés, ainsi qu'à
des étriers quatre pistons. Le feeling est encore très actuel. Également,
l'essieu arrière multibras vient corriger certains défauts des anciennes 911 en
étant beaucoup plus simple à faire pivoter et en encaissant plus facilement les
différents revêtements. La 911 s'équilibre et devient plus moderne que jamais,
tandis que certains aspects vous replongent instantanément vers le passé, à
commencer par la position de conduite. Aujourd'hui, les Porsche sont louées
pour leur excellente position de conduite, mais ici le volant n'est pas
réglable et la position est légèrement décalée vers la droite à cause du
passage de roue. Le pédalier est donc désaxé par rapport au siège, et la faible
profondeur de la planche de bord donne une position très proche du pare-brise.
C'est une position old-school accentuée par les pédales de frein et d'embrayage
au plancher, qui proviennent de l'héritage de la Coccinelle. La gestion de
l'embrayage, au demeurant assez lourd, est un peu particulière. En conduite, il
faut l'amorcer par le haut pour qu'il pivote et s'écrase au plancher. C'est un
élément daté, mais on lui pardonne car acheter une ancienne Porsche 911, c'est
aussi se procurer une capsule temporelle. La conduite est assez différente pour
se sentir dépaysé au volant.
Autre indice d'une époque révolue, le chant libéré par la
double sortie d'échappement, qui a été changé par l'ancien propriétaire. Le son
du flat-six à air est reconnaissable entre mille, et ce nouvel échappement
libère comme il se doit tout le coffre de sa voix. Glougloutant au ralenti, il
devient de plus en plus sonore et aigu à la montée en régime, vous accompagnant
de crépitements au lever de pied et au passage des rapports. Une symphonie qui
peut, à elle seule, créer un coup de cœur, tout comme le moteur. Assez peu
expressif en bas des tours, il joue la carte du gros moteur coupleux (340 Nm)
pour cruiser sur un filet de gaz. En revanche, tel un vrai moteur
atmosphérique, le pic de couple et de puissance s'atteignent haut dans les
tours, respectivement à 5000 tr/min et à 6100 tr/min. Le moteur commence à se
libérer à 4000 tr/min avant d'effectuer une dernière poussée vers 5500 tr/min
pour terminer avec une hargne à 6800 tr/min. Une double philosophie
parfaitement orchestrée par la nouvelle boîte de vitesses à six rapports à la
précision très moderne. Les performances sont bien présentes, malgré une “
faible ” puissance comparée aux standards actuels. Les 1445 kg de cette Carrera
sont propulsés à 100 km/h en 5,6 secondes. C'est largement suffisant pour se faire
plaisir sur nos routes actuelles !
Cette quatrième génération de Porsche 911 apparaît plus que
jamais comme une 911 de transition, respectant à la fois les premières origines
du modèle tout en élargissant son potentiel de séduction avec des touches de
modernité bienvenues. Celle qui est considérée comme la dernière vraie 911 et
même la plus pure poussera la chanson du refroidissement par air jusqu'à 450 ch
sur l'extrême Turbo S. Elle prépare la voie à une ère moderne où le
refroidissement à eau ouvrira la course à la puissance et le développement des
versions spécifiques. En cette année du soixantième anniversaire de la 911,
cette 993 apparaît comme la synthèse idéale de toute la magie de ce modèle
emblématique. Et comme la vie est bien faite, elle est apparue presque jour
pour jour à la moitié de la vie de la 911. Une voiture de collection qu'il est
important de considérer pour tous ceux qui souhaitent réaliser le rêve d'une
vie. Vous ne regretterez jamais d'avoir choisi cette génération !
Photos et texte par Donatien Le Clainche