Chaque marque de prestige dispose de modèles plus légendaires que d’autres. Certains se démarquent grâce à leur histoire et leur aura qui les suit à travers le temps. Chez Porsche, il existe de nombreux modèles emblématiques, mais dans la lignée des Porsche 911, c’est bien la 911 Carrera 2.7 RS qui se distingue. Dérivée de la compétition, elle ouvre la voie aux Porsche 911 radicales, prêtes à dévorer les circuits en venant par la route.
Cette première RS de série s’expose dans notre écrin, à côté de sa descendante
directe, la Porsche 964 Carrera RS. Retour sur leur histoire.
Pour comprendre les origines de cette 911 sportive, il faut remonter en 1968, lorsque Ferdinand Piëch se lance le défi de gagner les 24 Heures du Mans. La Porsche 917 est alors née. Produite à 25 exemplaires pour l’homologation, elle rafle tout sur son passage avec des victoires dans l’épreuve mancelle en 1970 et 1971. Elle détiendra même le record de distance jusqu’en 2010 avec 5 335,31 km parcourus ! Une autre légende.
C’est en partie à cause d’elle que la FIA interdira les moteurs de plus de 5
litres à partir de 1972. La 917 se convertit alors au championnat CanAm aux
États-Unis, mais il faut absolument un projet pour l’Europe.
À ce moment-là, les épreuves GT en Groupe 4 ont le vent en
poupe, mais Porsche n’arrive pas à rivaliser avec Ford et BMW avec sa 911 2.4
S. Nouveau défi accepté : créer une voiture pour ce championnat.
Une quinzaine d’ingénieurs travaillent alors sur
l’amélioration de la 911 pour en faire une véritable voiture de course. Le 5
octobre 1972, est présentée au Salon de Paris la Porsche 911 Carrera 2.7
RS, qui marque les esprits avec ses bandes colorées et son aileron “ queue de
canard ” innovant.
Trois leviers ont été utilisés pour concevoir cette 911 : la
légèreté, la maniabilité et la performance.
La performance, les ingénieurs de Stuttgart savent y faire.
Un certain Hans Mezger, concepteur du fabuleux 12 cylindres de la 917,
s’y attelle. Le moteur type 911/83 reprend la base de la 2.4 S pour atteindre 2
687 cm³, 210 ch à 6 300 tr/min et 260 Nm de couple à 5 100 tr/min. Pour le
rendre plus léger tout en restant résistant, les ingénieurs utilisent comme
revêtement interne du Nikasil par électrolyse.
Les performances dépassent celles d’autres sportives
européennes avec un 1 000 m D.A. effectué en 25,8 s, un 0 à 100 km/h
abattu en 5,8 s et une vitesse de pointe de 245 km/h.
Des chiffres impressionnants, rendus possibles par la
légèreté du modèle. Deux versions étaient proposées au catalogue : la
Lightweight (la plus rare) et la Touring.
Toutes deux bénéficiaient d’un toit et d’ailes en acier plus
fin, ainsi que de panneaux de porte allégés.
La première allait plus loin en supprimant les places arrière, la boîte à
gants, la montre et en adoptant un pare-chocs avant simplifié en fibres de
verre. Elle gagnait ainsi 100 kg pour passer sous la tonne.
Le travail le plus important a été mené sur la maniabilité, notamment à haute vitesse. L’architecture de la 911 délestait l’avant à vive allure. Pour remédier à ce problème, l’aérodynamicien Tilman Brodbeck et l’ingénieur Hermann Burst ont utilisé les techniques éprouvées sur la 917. La forme de l’aileron s’est dessinée naturellement en cherchant à diminuer la portance.
Un spoiler avant est aussi adopté et permet à la Carrera RS d’être la première
voiture de série à voir un spoiler à l’avant et à l’arrière. La course est
réellement dans son ADN.
Dernière nouveauté, les ingénieurs ont choisi des pneus
plus larges à l’arrière, comme sur les voitures de course, faisant d’elle
la première 911 à adopter ce principe en même temps que des ailes élargies
nécessaires pour caser cette excroissance. Une recette qui officie toujours
aujourd’hui sur la 911.
Très vite, les 500 exemplaires prévus pour
l’homologation sont écoulés. Porsche, surpris, décida de poursuivre la
production jusqu’à dépasser les 1 500 exemplaires, avec 200 Lightweight et 1
308 Touring.
Sur la piste, elle fait également des ravages avec une
évolution du moteur à 2,8 litres. La Porsche 911 Carrera 2.8 RSR remporte en
1973 six titres sur les neuf épreuves du championnat européen.
Avant le changement de génération, elle évolue une dernière
fois en Carrera 3.0 RS, encore plus sportive et rare. Le nom s’éteint ensuite jusqu’à la génération 964.
Après plusieurs années sans version radicale, on reprend les
mêmes principes. Porsche souhaitait une voiture homologuée en N/GT dans
le championnat européen et proposer une voiture de course pour les pilotes
privés.
Un an après la Porsche 911 Cup, Porsche ressort le nom Carrera RS en
1991 pour lever le voile sur une version de route étroitement dérivée de la
version de course.
Pour obtenir une 964 Carrera RS 3.6, prenez une caisse de
Carrera 2 avec des éléments de 964 Cup et laissez les ingénieurs talentueux
travailler.
À l’extérieur, il faut avoir l’œil pour la reconnaître en
l’absence de ducktail comme sur son aïeule. On remarque des jantes 17’’
spécifiques en alliage léger de magnésium, des rétroviseurs fuselés
issus de la Cup, un pare-chocs allégé issu de la Turbo avec éclairage
latéral, l’absence d’antibrouillards avant et une assiette abaissée de 40 mm.
Des bandes latérales sont proposées en option par l’importateur pour singer sa
grande sœur. Son look intemporel savamment sportif rend un dernier hommage à la ligne
originelle de la 911.
Près de 20 ans plus tard, les mêmes leviers sont utilisés
pour la sublimer : légèreté, performance et maniabilité.
Sous le capot, on retrouve le tout nouveau moteur en
aluminium de la 964 de 3 600 cm3 type M64/03, à double soupapes et
double allumage. Plusieurs éléments sont dérivés de la compétition pour
permettre des hauts régimes exaltants : une injection spécifique Bosch
Motronic, un taux de compression de 11.3:1, une culasse recevant des
inserts en céramique pour réduire l’échauffement lié à l’échappement, des
cylindres usinés coniquement pour pallier la déformation, et un palier moteur
en caoutchouc pour plus de résistance.
Le volant moteur est allégé de 7 kg et s’associe à la boîte Getrag G50 à 5 rapports dont les deux premiers ont été allongés et les synchros renforcées. Le levier au débattement raccourci est également issu de la Cup.
Le savoir-faire est là, et la 964 Carrera RS affiche de belles performances
pour un atmo refroidi par air, avec 260 ch à 6100 tr/min et 325 Nm de couple à
4800 tr/min. Le 1000 m D.A. est effectué en 24,4 s et l’exercice du 0 à 100 km/h en
seulement 5,3 s.
Les performances sont là grâce à la légèreté. Comme pour la 2.7 RS, plusieurs versions étaient proposées : la “ light ”, la “ touring ” et la “ clubsport ”. La première était la plus répandue en France. La chasse aux kilos est partout : vitrage plus fin, capot avant en aluminium sans vérins, suppression de la protection du soubassement.
À l’intérieur, l’ambiance est à la course avec de magnifiques baquets
Recaro à coque en fibre composite d’un poids de 4,5 kg contre 25 kg. Les
panneaux de porte sont allégés avec la présence de lanières — que les dernières
GT3 ont reprises —, des vitres manuelles, un volant plus petit (celle en
exposition n’a pas celui d’origine). La seule fonction du cockpit, c’est la
conduite pure et dure : il n’y a pas de clim, pas de radio, pas de dégivrage,
pas de moquettes, ni de direction assistée. À l’arrière, les sièges ont été
supprimés. À leur place, l’inscription Carrera RS donne le la. Verdict : 130
kg de moins sur la balance par rapport à une Carrera 2.
Pour clôturer le chapitre de la sportivité, il fallait bien un travail sur les liaisons au sol. La voiture est plus rigoureuse grâce à son différentiel autobloquant 20/100 %, ses barres stabilisatrices réglables (24 mm AV et 18 mm AR). Elle est plus ferme et vire à plat grâce à ses combinés et ressorts Bilstein, et freine plus fort grâce à son ABS Bosch et ses larges freins à disque percés et ventilés hérités de la Turbo 3.3 (322 mm AV et 299 mm AR) avec étriers 4 pistons.
Parfaite pour la piste, elle se révèle plus difficile à conduire sur les
petites routes bosselées à cause de son typage ferme, mais les douleurs se
dissipent au fur et à mesure que le compte-tours monte, libérant une voix, un
chant qui prend aux tripes.
Un tempérament de puriste qui a séduit un peu plus de
2500 clients.
Ainsi, la 911 Carrera 2.7 RS a ouvert la voie à une nouvelle
espèce de 911, prête à claquer des chronos sur circuit tout en venant par la
route. Plus sportive, mais toujours aussi polyvalente pour ceux qui sont prêts
à renoncer à un peu de confort. La 911 Carrera RS a également été la première à
ressortir des patronymes issus de la compétition : le RS pour Rennsport
(course automobile en allemand) en provenance des 550 RS Spyder, ou encore le mot Carrera,
symbole des débuts en compétition de Porsche, qui s’illustrera avec différents
modèles sur des courses emblématiques comme la Carrera Panamericana. Carrera
finit par désigner la 911 de base tandis que le RS est toujours associé aux
projets les plus purs, les plus radicaux, tournés vers la piste.
Ces deux morceaux de l’histoire de Porsche sont à retrouver
en ce moment en exposition dans notre écrin. Un moment unique, rare et
passionnant.